Durant l'enfance

II-La détermination du sexe après la naissance

          A) Des différences et des ressemblances physiques entre les sexes dès la naissance 


 DES ORGANES GÉNITAUX DIFFÉRENTS, A L'ORIGINE DU SEXE DE L'INDIVIDU 

A la naissance, les filles et les garçons ont de nombreux points communs et se
ressemblent physiquement. Qui n’a jamais confondu une fille et un garçon ? En effet, les deux sexes partagent une organisation anatomique commune : ils ont un nombre identique d’organes dont la fonction est commune, le même nombre d’os, de muscles …etc... Malgré cela, la structure moléculaire diffère en fonction du sexe de l’individu. Les chromosomes X et Y, qui sont à l’origine du déterminisme sexuel, ne sont pas identiques chez l’homme et la femme (chromosomes XX pour les filles et XY pour les garçons). C’est cette différence moléculaire qui explique la présence d’organes génitaux différents. De plus, les appareils génitaux produisent des hormones différentes en fonction du sexe : la testostérone chez les hommes et l’œstrogène chez les femmes. Ces hormones sont à l’origine de différences sexuelles anatomiques dès la naissance mais aussi et surtout à la puberté (ossature, pilosité, voix, musculature, développement mammaire …).


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Une ressemblance frappante entre fille et garçon

Dans certains cas, les organes génitaux du nourrisson sont mal formés ou ambigus. Des tests sont ainsi réalisés pour déterminer s’il s’agit d’un clitoris surdimensionné ou bien d’un micropénis et identifier les possibles causes de cette indétermination (malformation ou présence simultanée d’ovaires et de testicules). Dans tous les cas, il est impossible de définir avec certitude le sexe de l’enfant. Ces cas d’intersexuation, bien que peu nombreux (1,5% des naissances dans le monde selon Anne Fausto-Sterling) posent problèmes et font débat : faut-il opérer les enfants intersexes ?

Des associations et des organismes internationaux, comme l’ONU, sont contre cette pratique, la santé des enfants n’étant en aucun cas menacée par la présence de ces organes « non-conformes ». Ils considèrent également cette assignation comme une véritable violence médicale puisqu’elle suppose un traitement très lourd et des interventions faites sans l’accord du principal intéressé.

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Manifestation contre l'opération des enfants intersexes

Mais alors faut-il considérer l’intersexualité comme une maladie ou juste une différence? Les travaux sur la médecine de l’intersexuation montrent, en tout cas, que c’est un domaine où les médecins ont joué un rôle prépondérant. Pour eux, les choses sont claires : il n’existe que deux sexes. Ils mettent également en avant leur préoccupation concernant le développement psychique de l’enfant et soulignent la demande « pressante » des parents qui ne sont pas prêts à assumer les regards de la collectivité sur leur enfant d’un « autre genre ». Par ailleurs, la reconstruction des organes génitaux est empreinte de stéréotypes  : le pénis des garçons doit lui permettre d’uriner debout et être assez long pour permettre la pénétration vaginale lors des rapports sexuels et le vagin des filles doit être apte à être pénétré. Ainsi, selon Anne Fausto-Sterling ce sont nos croyances et nos normes sur l’identité des filles et des garçons qui font le sexe (les organes génitaux).

LE CERVEAU, UN ORGANE SEXUÉ ?

Les différences physiques énumérées plus hauts sont indéniables mais qu’en est-il du cerveau ? Pour répondre à cette question et comprendre la relation entre la construction du cerveau et le sexe, de nombreuses études ont été réalisées. Au XIXème siècle, des chercheurs ont comparé les tailles de cerveaux de cadavres féminins et masculins et ont constaté que le cerveau de l’homme était généralement plus lourd que celui de la femme (1325g contre 1144g). En 1861, Paul Broca, un anatomiste a donc conclu que « la petitesse relative du cerveau de la femme dépend à la fois de son infériorité physique et de son infériorité intellectuelle ». Depuis, cette théorie a évidemment été démentie puisqu’il n’existe pas de rapport entre la taille du cerveau et l’intelligence. De plus, la différence de taille entre les cerveaux est parfois plus grande entre les individus d’un même sexe qu’entre deux individus de sexe opposé. C’est le cas des cerveaux des écrivains Anatole France et Yvan Tourgeniev : 1kg pour le premier et presque 2kg pour le deuxième.

Images de l'anatomie du cerveau montrant la variabilité morphologique entre tous les individus, indépendamment du sexe.
Images de l'anatomie du cerveau montrant la variabilité morphologique entre tous les individus, indépendamment du sexe

Malgré les différences induites par l’imprégnation hormonale (voir III A), les cerveaux sont identiques chez l’homme et la femme. En effet, les gènes à l’origine de la construction des hémisphères cérébraux, du cervelet et du tronc cérébral sont indépendants des chromosomes X et Y. A la naissance, le cerveau d’un nourrisson compte 100 milliards de neurones et les connexions entre eux ne sont établies qu’à la hauteur de 10%. La formation du cerveau est loin d’être terminée et les connexions neuronales restantes ne se construiront que plus tard. Les interactions sociales sont indispensables pour que les fonctions cognitives se développent.


Formation des circuits de neurones dans le cortex cérébral humain de la naissance à 2 ans.
Formation des circuits de neurones dans le cortex cérébral humain de la naissance à deux ans


Le cerveau se construit donc après la naissance et dépend des interactions de l’enfant avec son environnement, à la fois interne (effet des hormones, de l’état nutritionnel, des maladies …) et externe (interactions sociales, familiales, environnement culturel). Nos cerveaux sont donc capables de modifier les circuits nerveux en fonction de notre apprentissage et de l’environnement dans lequel nous vivons. Ces circuits sont constitués de neurones qui communiquent entre eux par des synapses. Suite à un apprentissage, les synapses augmentent leur efficacité et facilitent ainsi le passage de l’influx nerveux dans un circuit particulier. On appelle cela la plasticité cérébrale

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La plasticité cérébrale

Grâce à la technique de l’imagerie cérébrale, on peut observer l’évolution du cerveau en fonction de l’apprentissage et de l’expérience vécue. Par exemple, chez les pianistes, on peut voir un épaississement des aires cérébrales spécialisées dans la motricité des doigts, de l’audition et de la vision, lié à la pratique intensive de leur instrument. De plus, ces modifications sont proportionnelles au temps consacré à l’apprentissage du piano pendant l’enfance. La plasticité cérébrale est également à l’œuvre pendant la vie adulte mais est plus importante durant l’enfance. Ainsi comme chaque personne a une histoire différente, il existe 7 milliards de cerveaux différents sur Terre. Nos cerveaux sont tous différents que ce soit au niveau du volume, de la forme et du mode de fonctionnement. Il est donc impossible de dégager des caractéristiques propres à chaque sexe.

Ainsi les vieux clichés qui prétendent que les filles sont « naturellement » bavardes et émotives et que les garçons seraient nés bons en maths et compétitifs, ne sont pas fondés. En effet, à la naissance, les filles et les garçons possèdent les mêmes capacités cérébrales que ce soit pour les fonctions cognitives (intelligence, mémoire, attention, raisonnement) ou sensorielles (vision et audition). Pourtant, ces clichés perdurent dans les mémoires collectives avec les médias. Les études qui montrent un lien entre le sexe et les fonctions cognitives, bien qu’elles ne soient pas fondées, restent celles dont on parle le plus. Pourquoi ? Parce que ces conclusions sont en adéquation avec la conception culturelle du monde et sont souvent accompagnées d’une explosion médiatique.

Par exemple, en 1995, des chercheurs ont tenté de prouver que les femmes avaient plus d’aptitudes au langage. Grâce à la technique de l’Imagerie Cérébrale par Résonance Magnétique (IRM), ils ont comparé l’activité cérébrale de 19 femmes et de 19 hommes durant un test de langage et ont conclu que les hommes utilisaient tout l’hémisphère gauche alors que la plupart des femmes utilisaient les deux hémisphères. Cette observation leur a permis de bâtir des conclusions sur l’utilisation optimale du cerveau féminin pour le langage. Cette théorie a maintenant été démentie puisque des études nouvelles (2008) ont comparé des centaines de cerveaux de femmes et d’hommes et ont prouvé qu’il n’existait aucune différence statistique dans la répartition des aires du langage. 

Imagerie cérébrale par IRM fonctionnelle pendant un test de calcul mental. On observe une
grande variabilité dans les zones cérébrales activées quelque soit le sexe. Les différences
d'activations cérébrales entre les personnes d'un même sexe dépassent les différences entre les sexes.
Imagerie cérébrale par IRM pendant un test d'aptitude au langage. La grande variabilité dans les zones cérébrales montre que les différences entre les personnes d'un même sexe dépassent les différences entre les sexes.

Une autre expérience statistique datant de 1990 a tenté d’expliquer l’infériorité supposée des femmes dans le secteur scientifique. Les résultats de cette étude portant sur 10 millions d’élèves ont mis en évidence la performance des garçons dans la résolution d’un problème mathématique. On conclut donc que les filles étaient génétiquement défavorisées dans la réussite des matières scientifiques. Cette même étude a été réalisée 18 ans plus tard mais n’a pourtant relevé aucune différence entre les filles et les garçons. On peut se demander pourquoi les deux expériences n’ont pas abouti aux mêmes résultats. Et bien tout simplement, parce que les chercheurs de 1990 ont surestimé l’importance de la génétique et ont négligé l’influence de l’environnement social et culturel sur l’homme.

Une étude réalisée en 2008 est parvenue à montrer l’importance de ces facteurs environnementaux. Les chercheurs ont établi une relation entre l’écart des performances en mathématiques entre les sexes et l’index d’émancipation des femmes, et ont ainsi prouvé que l’écart de performance résultait de la culture inégalitaire des pays. Par exemple, en Norvège, où l’index d’émancipation des femmes est élevé, les écarts de performance sont bas alors qu’en Turquie où l’index est faible, c’est tout l’inverse. Ainsi, les différences d’aptitudes spatiales et verbales entre les deux sexes n’ont rien d’irréductible ou d’inné.

         B) Les différentes étapes de la construction de l'identité sexuée

L’enfant, en grandissant, développe une vision progressive sur la différence entre les filles et les garçons :

Avant la naissance : l'enfant, même s’il n’en a pas conscience, a une identité déjà conférée par ses parents. Par exemple, ils ont sûrement réfléchi à un prénom, à la place au sein de leur famille…

Dès les premiers mois: l’enfant est capable de distinguer une fille d’un garçon mais ne peut pas dire ce qui lui permet de les différencier.

Entre 2 et 3 ans: l’enfant construit sa propre perception de l’identité de genre. Ce terme traduit le sentiment profond d’appartenir à un genre qui lui est propre et permet également la distinction des autres personnes en se basant sur des indicateurs sociaux de genre classiques (coiffure, vêtements…).

Ces critères socioculturels mettent en évidence la différence entre filles et garçons. Par exemple, les filles ont des cheveux longs, les garçons ne portent pas de jupe/robe, les filles jouent à la poupée etc…

Entre 3 et 5 ans : l’enfant développe la stabilité ou constance de genre, c'est-à-dire, qu'il comprend que le sexe d'une personne reste fixe, même en grandissant. En revanche, ce dernier pense que si une personne change d’apparence, son sexe se modifie. Par exemple, si un garçon se déguise en princesse, il devient une fille. Ainsi, l’enfant développe une rigidité face au sexe opposé. A partir de cette phase, il s'appuie sur les stéréotypes de genre pour les appliquer sur lui-même. C'est pour cela qu’un garçon ne sera pas attiré par la danse car il s’agit pour lui d'une pratique réservée aux filles.

De plus, les enfants s’identifient à travers les personnes de leur environnement proche et se projettent sur un adulte du même sexe qu’eux. Ainsi, les filles s’identifieront généralement à leur mère et les garçons à leur père et chercheront à leur ressembler.

Pendant les trois premières années, un enfant qu’il soit fille ou garçon entretient une relation exclusive avec sa mère. Puis entre trois et cinq ans, l’enfant devient possessif. Le garçon demande plus de câlins et de tendresse de sa mère et la fille charme son père en attirant son attention. Ils vont ainsi chercher à écarter leur rival pour mieux se rapprocher du parent du sexe opposé et prendre leur place. Ce phénomène appelé « complexe d'Œdipe » est issu de la mythologie grecque et a été théorisé par le Sigmund Freud.

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Dessin illustrant le complexe d’œdipe

Progressivement, l’enfant ne réussissant pas dans ces manœuvres inconscientes de séduction, va refouler sa contrariété en traversant des phases de colère. Il finira par se résoudre en renonçant à prendre la place du parent du même sexe. Des liens plus rapprochés vont alors naître entre mère et fille ou père et fils. Les enfants écouteront plus facilement le parent du même sexe qu’ils prennent pour modèle et suivront leurs attentes à la lettre. De plus, ils seront heureux d’adopter des comportements similaires pour leur ressembler.

A l’âge de 5-7 ans : l’enfant comprend que le sexe d’un individu est déterminé biologiquement. Il sait donc que depuis sa naissance, il appartient à un genre spécifique. Cette vision poursuit l’enfant durant toute son enfance et n’est remise en question qu’à l’adolescence.


      C) L'environnement social, un facteur d'influence sur la construction de l'identité sexuée chez l'enfant

 
L’enfant développe son identité sexuée dès son plus jeune âge. La principale influence reste l’environnement dans lequel grandit l’enfant. Cet être social intégrera un contexte où les comportements, attitudes, caractéristiques propres à chaque sexe sont déjà définis. La construction de l’identité est donc influencée par la société mais elle reste tout de même personnelle.

Les représentations sociales des rôles masculin et féminin, imposées depuis des générations, induisent des comportements différents suivant si l'on s'adresse à une fille ou à un garçon. On peut donc affirmer que l’éducation donné à un petit garçon et à une fille diffère hormis le respect de la socialisation. C’est par ce processus que les individus apprennent les règles de vie commune de la société à laquelle ils appartiennent comme par exemple le respect des autres et de soi-même, l’interdiction de la violence et la politesse.
Cette socialisation primaire est influencée par différents acteurs :
 
LES PARENTS :

Les parents sont les principaux responsables de l'éducation de leur fille ou de leur garçon. Mais selon le sexe, elle ne sera pas la même.
 
Pour une fille:

- La personne qui s’adresse à une fille a tendance à employer naturellement un ton calme même lors d'un emportement. Ainsi, les filles ont généralement un caractère plus posé.
- Les parents sont souvent plus strictes en terme de liberté (par exemple les sorties).
- Ils font d'avantage attention aux notes à l'école surtout dans les matières littéraires comme le français. C’est pour cette raison qu’un grand nombre de filles choisissent les filières ES et L.
- Ils accordent plus d’attention à leur langage et leur attitude.
- Ils inculquent les notions de rangement, de soin et d’ordre. Par exemple, le cahier doit être bien tenu, à jour et propre. De cette manière, elle sera conditionnée dans sa vie d’adulte aux tâches ménagères.
- Ils incitent également, leur fille à prendre soin de son apparence.


Pour un garçon :


- La personne qui s’adresse à un garçon a tendance à parler plus fort et de façon plus autoritaire. Ainsi, les garçons sont généralement plus agités.
- Les parents vont éduquer leur fils en privilégiant l’apprentissage des mathématiques. Plus tard, les garçons développeront des aptitudes et s’orienteront plus facilement vers la filière scientifique.
- Le garçon sera plus libre en terme d’autorisation de sorties voire même de consommation d’alcool, de tabac etc…
-On prêtera beaucoup moins d'attention à l'état de leurs affaires comme la chambre, les vêtements etc...
 
LA FRATRIE :

Généralement, un enfant considère son grand frère ou sa grande sœur comme un véritable modèle. Les rôles de genre sont parfois remis en cause en fonction du sexe de l’exemple fréquenté. Ainsi, une fille élevée dans une famille de garçons jouera plus facilement aux jeux vidéo ou au football avec ses frères.
   
L’ÉCOLE ET LA CRÈCHE :
 
Ce sont principalement les camarades d’école qui permettent à l’enfant d'intégrer un groupe social. En effet, c'est à l'école et à la crèche que les enfants apprennent à différencier les sexes. Les professionnels de l’enfance, c’est-à-dire les enseignants jouent également un rôle important dans ce processus. Ils s’assurent de ne pas provoquer d'inégalités entre filles et garçons. Pour la satisfaction de tous les élèves, certains professeurs proposent même des activités mixtes afin de lutter contre les stéréotypes.

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Lutter contre les stéréotypes à l'école


LES ACTIVITÉS CULTURELLES :


Ces dernières ne font que confirmer et véhiculer les stéréotypes de genre inculqués chez les enfants.
 
Le sport :

Les filles pratiquent principalement la danse, ce qui favorise l’intelligence kinesthésique (du mouvement).
Les garçons font généralement du football et autres sports collectifs, ce qui leur permet de développer de manière plus importante leur musculature.

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Le sport, un milieu empreint de stéréotypes
   
Les médias et la publicité :

Ils apportent des représentations stéréotypées.
Dans certaines publicités par exemple, c'est un petit garçon qui joue avec les jouets considérés comme masculins tels que le camion, les petites voitures, les mécanos etc... Alors que pour vendre des produits dits féminins comme des poupées ou de la dînette, on choisira une petite fille. Les catalogues de jouet sont, par définition, empreints de stéréotypes avec les codes couleur : bleu pour les garçons et rose pour les filles. C’est par l’image que véhiculent ces publicités, que filles comme garçons intériorisent les normes liées au genre et les reproduisent. De plus, l’enfant va trouver anormal, qu'un petit garçon veuille jouer à la poupée et inversement…

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Des espaces distincts pour filles et garçons dans les magasins de jouets
   
 La littérature et les films :

Que ce soit dans un livre ou dans un film, les rôles féminins et masculins sont présentés de manière stéréotypée. Les personnages masculins sont idéalisés et sont souvent présentés en faisant du sport ou au travail. En revanche, les personnages féminins sont confinés au rôle maternel ou aux tâches domestiques.

De plus, on voit rarement des filles dans le rôle de superhéros et jamais de garçons en rôle de princesse. Par conséquent, les enfants sont vulnérables face à ces stéréotypes qui sont présents même dans les fictions. 


Par exemple, dans le film "domination masculine" de 2009, le réalisateur Patrick Jean dénonce les injustices quotidiennes que subissent les femmes vis-à-vis des hommes
Cet extrait montre la vision stéréotypée que les enfants ont des rôles hommes/femmes.